- L’auteur
- Émile Zola, écrivain français (Paris, 2 avril 1840 – Paris, 29 septembre 1902), est considéré comme le chef de file du naturalisme. Il possède une personnalité d’homme et d’écrivain complexe, doté d’un tempérament artistique porté vers les grandes constructions romanesques et la vigueur épique de l’écriture.
- A partir de 1893, il entreprend de rédiger de nouveaux cycles d’œuvres. Il s’agit d’une trilogie romanesque, Les trois villes Lourdes Rome et Paris.
- Le cycle des trois villes, suit l’itinéraire d’un héros unique, Pierre Froment. qui évolue du séminaire à l’athéisme pacifié et finit par trouver le bonheur dans l’amour, le mariage, la vie saine et féconde. Les trois romans ont été publiés respectivement en 1894, 1896 et 1898.
- Lors d’un premier voyage à Lourdes, Zola est fasciné par la dévotion et le mysticisme de la foule qui envahie cette ville avec l’espoir d’un miracle. Fidèle à sa technique, il veut tout voir et tout comprendre avant de se mettre à la rédaction de son oeuvre. Il se promène partout, visite tout, de la maison d’enfance de Bernadette (qui a vu les apparitions de la Vierge) aux hôpitaux des malades en attente de guérisons miraculeuses en passant par le bureau des constatations (des miracles). De plus, Zola accompagne le pèlerinage national, c’est-à-dire le plus important pèlerinage annuel.
- Lourdes
« La terre de France, à la même heure, se trouvait sillonnée en tous sens par des trains semblables, se dirigeant tous, là-bas, vers la Grotte sainte, amenant trente mille malades et pèlerins aux pieds de la Vierge. Et il songea que le flot de foule de ce jour-là se ruait aussi les autres jours de l’année, que pas une semaine ne se passait sans que Lourdes vît arriver un pèlerinage, que ce n’était pas la France seule qui se mettait en marche, mais l’Europe entière, le monde entier, que certaines années de grande religion il y avait eu trois cent mille et jusqu’à cinq cent mille pèlerins et malades »
« Pierre, maintenant, s’oubliait à faire une peinture charmante de l’ancien lourdes, de cette petite ville pieuse, endormie au pied des Pyrénées. Autrefois, le château, bâti sur son rocher au carrefour des sept vallées du Lavedan, était la clé des
montagnes. Mais aujourd’hui, démantelé, il n’était plus q’une masure tombant en ruine, à l’entrée d’une impasse. La vie moderne venait buter là, contre le formidable rempart des grands pics neigeux. (…)
Oublié donc, Lourdes sommeillait, heureux et lent, au milieu de sa paix séculaire, avec ses rues étroites, pavées de cailloux, ses maisons noires, aux encadrements de marbre. Les vieilles toitures se massaient toutes encore à l’est du château ; la rue de la Grotte, qui s’appelait le rue du Bois, n’était qu’un chemin désert, impraticable, aucune maison ne descendait jusqu’au gave. (…)
Sur la place du Marcadal, on voyait de rares passants en semaine, des ménagères qui se hâtaient, des petits rentiers promenant leurs loisirs ; et il fallait attendre le dimanche ou les jours de foire, pour trouver, au champ commun, la population endimanchée. (…)
Pendant la saison des eaux, le passage des baigneurs de Cauterets et de Bagnères donnait aussi quelque animation, des diligences traversaient la vielle deux fois pas jour ; mais elles arrivaient de Pau par une route détestable, et il fallait passer à gué de Lapaca, qui débordait souvent ; puis, on montait la raide chaussée de la rue basse, on longeait la terrasse de l’église, ombragée de grands ormeaux. Et quelle paix autour de cette vieille église, dans cette vieille église à demi-espagnole, pleine d’anciennes sculptures, des colonnes, des retables, des statues, peuplée de visions d’or et de chairs peintes (…)
Toute la population venait là pratiquer, s’emplir les yeux de ce rêve de mystère. Il n’y avait pas d’incrédules, c’était le peuple de la foi primitive, chaque corporation marchait sous la bannière de son saint, des confréries de toutes sortes réunissaient la cité entière, aux matins de fête, en une seule famille chrétienne. (…)
Au premier plan, s’étageant parmi les vallonnements herbus, de l’autre côté du Gave, la gaîté de ce point de l’horizon était les couvents nombreux qu’on avait bâtis. Ils semblaient avoir grandi comme une végétation naturelle et prompte sur cette terre de prodige. Il y avait d’abord un vaste orphelinat, crée par les sœurs de Nevers. (…)
Puis c’étaient les carmélites, en face de la Grotte, sur la route de Pau ; et les assomptionnistes, plus haut, au bord du chemin de Poueyferré ; et les dominicaines, perdues au désert, ne montrant qu’un angle de leur toiture ; et enfin les soeurs de l’Immaculé-Conception, celles qu’on appelait les soeurs bleues, qui avaient fondé, tout au bout du vallon, une maison de retraite, où elles prenaient en pension les dames seules, les pèlerines riches, désireuses de solitude. (…)
Près du Pont-Vieux, surtout, la cloche des clarisses égrenait une gamme de notes si claires, qu’on aurait dit le caquetage d’un oiseau. De ce côté de la ville, des vallées encore se creusaient, des monts dressaient leurs flancs nus, toute une nature tourmentée et souriante, une houle sans fin de collines, parmi lesquelles on remarquait les collines de Visens, moirées précieusement de carmin et de bleu tendre. »
Les trois villes, Lourdes