1. L’auteur (1768 – 1848)
  • François René de Chateaubriand (1768-1848) a vécu quatre-vingt ans de l’histoire de France, a traversé les régimes politiques, a voyagé sur tous les continents, et a réussi à allier à ces expériences le temps de la réflexion et de l’écriture. Il est le précurseur du romantisme français. Il a été à la fois un spectateur et un acteur durant une période marquée par l’instabilité politique. 
  • Le périple de Chateaubriand le mène à Jérusalem par la Grèce ; il reviendra par l’Espagne, où l’attend sa maîtresse, Nathalie de Noailles. Cela explique peut-être l’incroyable rapidité de ce voyage : il passe moins d’un mois en Grèce, pas plus de deux jours à Athènes. Mais cette hâte a une autre raison : Chateaubriand est déçu par les lieux dont il avait rêvé. C’est seulement en rédigeant, après son retour, le récit de voyage, qu’il transfigure son souvenir en s’inspirant des relations d’autres voyageurs. Il parvient alors à ressusciter la Grèce Antique, qu’il n’avait pas retrouvée sur place.
  • Le 10 août 1806, Chateaubriand débarque à Méthoni, à la pointe sud du Péloponnèse, pour une traversée de la Grèce qui doit lui permettre de visiter Sparte, Argos, Mycènes, Corinthe, Mégare, Éleusis, Athènes. Le récit enchanté de ce voyage au pays des héros d’Homère et de Plutarque occupe le premier tiers de son Itinéraire de Paris à Jérusalem.
  1. Athènes au soleil levant

Chateaubriand et son guide se trouvent parmi les ruines du Parthénon, sur l’Acropole d’Athènes.

« Il faut maintenant se figurer tout cet espace tantôt nu et couvert d’une bruyère jaune, tantôt coupé par des bouquets d’oliviers, par des carrés d’orge, par des sillons de vignes ; il faut se représenter des fûts de colonne et des bouts de ruines anciennes et modernes sortant du milieu de ces cultures ; des murs blanchis et des clôtures de jardins traversant les champs (…);

Il faut supposer toutes ces montagnes dont les noms sont si beaux, toutes ces ruines si célèbres, toutes ces îles, toutes ces mers non moins fameuses éclairées d’une lumière éclatante. J’ai vu, du haut de l’Acropolis, le soleil se lever entre les deux cimes du mont Hymette ; les corneilles, qui nichent autour de la citadelle mais qui ne franchissent jamais son sommet, planaient au-dessous de nous (…)

Athènes, l’Acropolis et les débris du Parthénon se coloraient de la plus belle teinte de la fleur du pêcher ; les sculptures de Phidias, frappées horizontalement d’un rayon d’or, s’animaient et semblaient se mouvoir sur le marbre par la mobilité des ombres du relief ; au loin, la mer et le Pirée étaient tout blancs de lumière : et la citadelle de Corinthe, renvoyant l’éclat du jour nouveau, brillait sur l’horizon du couchant comme un rocher de pourpre et de feu .(…)
Où sont allés les génies divins qui élevèrent le temple sur les débris duquel j’étais assis ? Ce soleil qui peut-être éclairait les derniers soupirs de la pauvre fille de Mégare, avait vu mourir la brillante Aspasie. Ce tableau de l’Attique, ce spectacle que je contemplais, avait été contemplé par des yeux fermés depuis deux mille ans. Je passerai à mon tour : d’autres hommes aussi fugitifs que moi viendront faire les mêmes réflexions sur les mêmes ruines. Notre vie et notre cœur sont entre les mains de Dieu : laissons-le donc disposer de l’une comme de l’autre. »

Les Monuments grecs

Chateaubriand sait voir et faire voir : on a presque l’impression de se trouver à ses côtés lorsqu’il visite l’Acropole et qu’il décrit les chefs-d’œuvre de l’architecture ancienne qu’il découvre les uns après les autres.

« Après leur harmonie générale, leur rapport avec les lieux et les sites, et surtout leurs convenances avec les usages auxquels ils étaient destinés, ce qu’il faut admirer dans les édifices de la Grèce, c’est le fini de toutes les parties. L’objet qui n’est pas fait pour être vu, y est travaillé avec autant de soin que les compositions extérieures. La jointure des blocs qui forment les colonnes du temple de Minerve est telle qu’il faut la plus grande attention pour la découvrir, et qu’elle n’a pas l’épaisseur du fil le plus délié. (…) 

Les rosaces, les plinthes, les moulures, les astragales, tous les détails de l’édifice offrent la même perfection ; les lignes du chapiteau et de la cannelure des colonnes du Parthénon sont si déliées, qu’on serait tenté de croire que la colonne entière a passé autour : des découpures en ivoire ne seraient pas plus délicates que les ornements ioniques du temple d’Erechthée : les cariatides du Pandroséum sont des modèles. Enfin, si, après avoir vu les monuments de Rome, ceux de la France m’ont paru grossiers, les monuments de Rome me semblent barbares à leur tour depuis que j’ai vu ceux de la Grèce : je n’en excepte point le Panthéon avec son fronton démesuré. La comparaison peut se faire aisément à Athènes, où l’architecture grecque est souvent placée tout auprès de l’architecture romaine. »

Itinéraire de Paris à Jérusalem, Voyage de la Grèce

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