Définitions
Expliquer
Du Latin explicare : déplier.
Expliquer, c’est mettre en évidence un lien objectif qui unit un phénomène au processus qui en est la cause. C’est ainsi énoncer la loi qui préside à sa production.
Expliquer un texte consiste ainsi à le rendre clair, intelligible, à en dégager l’implicite et les présupposés en vue d’en déterminer la signification et le sens. Le but est alors la compréhension du texte. Expliquer est le moyen, comprendre est le but.
Avec le développement des sciences de l’esprit (sciences humaines et sociales) en Allemagne à la fin du XIXe siècle, ce terme a acquis un sens technique précis qui l’oppose au terme de » compréhension « . Dès lors, expliquer et comprendre s’opposent.
Comprendre
Du latin cum, prehendere : saisir avec [la pensée].
Saisir le sens d’un phénomène ou d’un raisonnement par l’intelligence.
Pour Approfondir
Expliquer et comprendre peuvent aider par leur complémentarité à comprendre le processus dialectique de l’acquisition du savoir, mais aussi par leur différence à distinguer des aires de savoir, comme fait par exemple Dilthey en attribuant aux sciences de la nature la qualité d’être « explicatives », par opposition aux sciences humaines « compréhensives ».
Si dans un sens premier le but de l’explication est la compréhension, dans le domaine des phénomènes naturels, l’explication se distingue de la compréhension. En effet, le physicien ne cherche pas à comprendre le sens d’un phénomène mais à rendre compte des causes. Expliquer la chute des corps consiste à énoncer une loi qui est un rapport de causalité nécessaire et constant.
Aussi, l’explication répond ainsi à la question « comment ? » et la compréhension à la question« pourquoi ?».
La recherche des causes et des fins permet de savoir pourquoi ce qui « est » est tel qu’il est (Aristote). Mais tandis que la cause permet d’éclairer l’origine de ce qui est, la fin nous aide à comprendre ce en vue de quoi la chose est ainsi. Donc, dans le cas de la cause on s’efforce d’expliquer le comment du phénomène, et dans celui de la fin on s’efforce de comprendre son pourquoi.
On distingue donc l’explication et la compréhension comme deux modalités différentes d’approche des phénomènes. Cette opposition est affirmée par des auteurs comme l’historien de la philosophie Dilthey, le sociologue Max Weber, le psychologue et philosophe Karl Jaspers (1883-1969). Cette distinction reproduit celle qui a été établie par Hegel entre un entendement qui analyse et une raison qui synthétise.
» Nous expliquons la nature, nous comprenons la vie psychique « . (Dilthey, Le monde de l’esprit, I).
La vie psychique ne s’aborde pas en s’attachant simplement à saisir les causes des phénomènes, elle cherche à identifier les significations intentionnelles des événements. C’est au travers de cette distinction que se construit la différence d’approche entre les sciences de la nature (sciences explicatives, telle cause implique tel effet) et les sciences humaines (compréhensives du sens de ce que font et pensent les hommes).
Les sciences humaines se présentent comme des herméneutiques, comme des interprétations nouvelles de sens. Par là, elles revendiquent une méthode propre, qui s’oppose aux sciences de la nature.
L’explication vaut pour les sciences de la nature : l’explication causale est le mode de la représentation qui convient le mieux à la description des phénomènes naturels. Elle concerne par conséquent des phénomènes naturels extérieurs à la subjectivité, et dont la cohérence globale ne peut être établie que par des hypothèses théoriques.
La compréhension vaut pour les sciences de l’esprit car la compréhension intentionnelle convient mieux à la description des phénomènes humains. Elle cherche à rendre compte des faits humains.
Ainsi, la nature des faits étudiés par ces deux grandes classes de sciences est fondamentalement différente : les faits naturels sont extérieurs à la conscience et sont donnés isolément, tandis que les faits spirituels sont saisis de l’intérieur et comme des ensembles vivants.
Expliquer revient à déduire un phénomène d’un autre à l’aide d’une loi ou d’une règle. L’explication est superficielle, et la nature nous demeure toujours quelque chose d’étranger. En revanche, comprendre, c’est connaître par sympathie et appréhender le mouvement de constitution des faits.
Dilthey donne cette définition de la compréhension : « Nous appelons compréhension le processus par lequel nous connaissons un « intérieur » à l’aide de signes perçus de l’extérieur par nos sens (…) le processus par lequel nous connaissons quelque chose de psychique à l’aide de signes sensibles qui en sont la manifestation » (Le monde de l’esprit).