- L’auteur (1783-1842)
- C’est en usant pour la première fois du pseudonyme de Stendhal, qu’Henri Beyle publie en 1826 ce récit dans lequel il est en réalité plus question de Milan que des trois villes titre. Comme il le fera un peu plus tard dans Promenades dans Rome, Stendhal va faire de ce récit un guide de pensées de voyage essentiellement sur Milan.
- Parmi les grands écrivains du XIX° siècle, Henri Beyle est surtout connu pour Le rouge et le noir et pour La chartreuse de Parme . Il publie à 34 ans son premier ouvrage signé du pseudonyme Stendhal Rome, Naples et Florence dans lequel il raconte une expérience tout à fait intéressante.
- Le Syndrome de Stendhal (aussi appelé syndrome de Florence) est le premier syndrome du voyageur à avoir été reconnu. Il doit donc son nom à ce célèbre écrivain, qui le premier, en 1817, dans ses carnets de voyage, a fait la description ce que lui-même a ressenti en sortant de l’Eglise Santa Croce à Florence.
- Dans son journal de voyage en Italie, Stendhal consignait les sensations qu’il avait éprouvées lors de son séjour. C’est ainsi qu’en sortant de la basilique de Santa Crocce, il ressent une émotion extrême liée, dit-il, « à la contemplation de la beauté sublime ». Un sentiment de panique s’empare de lui, accompagné de palpitations, de vertiges.
- La psychiatre Graziella Magherina a observé les mêmes symptômes sur des touristes visitant Florence hospitalisés dans ses services; elle a donc donné à cette maladie le nom de « syndrome de Stendhal ».
- Florence
Arrivé dans la cité florentine, il ressent une véritable extase à la contemplation des œuvres d’art, il en vient même à redouter une défaillance. A la sortie de l’église Santa Croce où se trouve le tombeau de Michel Angelo (1475-1564) il écrit ceci :
« J’étais dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de coeur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. » (…)
« C’est au contraire dans une vallée assez peu large, dessinée par des montagnes pelées, et tout contre la colline qui la borne au midi qu’on a bâti Florence. Cette ville qui, par la disposition de ses rues, ressemble assez à paris, est placée sur l’Arno comme Paris sur le Seine. L’Arno (… donne sous les ponts de Florence (…) coule d’orient en occident. Si l’on monte au jardin du palais Pitti, sur la colline méridional, et que de là on fasse le tour des murs jusqu’au chemin d’Arezzo, on prendra une idée du nombre infini de petites collines dont la Toscane se compose ; couvertes d’oliviers, de vignes et de petites bandes de blé, elles sont cultivées comme un jardin (…)
J’errais au hasard dans les rues ; je considérais dans mon émotion muette et profonde (les yeux très ouverts et ne pouvant parler), ces palais bâtis vers 1300 par les marchands de Florence : ce sont des forteresses. Je regardais, tout à l’entour de Santa Maria del Fiore (bâtie en 1293), ces arcades légèrement gothiques, dont la pointe élégante es formée par la réunion de deux lignes courbes (comme la partie supérieurs des fleurs de lis frappées sur les pièces de cinq francs). Cette forme se retrouve sur toutes les portes d’entrée des maisons
de Florence ; mais les modernes ont fermé avec un mur les arcades qui entouraient la place immense au meilleur de laquelle Santa Maria del Fiore s’élève isolée. (…)
Cette architecture du moyen âge s’est emparée de toute mon âme ; je croyais vivre avec le Dante (…) j’ai honte de mon récit qui me fera passer pour égotiste.
Comme on voit bien, à la forme solide de ces palais, construits d’énormes blocs de pierre qui ont conservé brut le côté qui regarde la rue, que souvent le danger a circulé dans ces rues ! C’est l’absence de danger dans ces rues qui nous fait si petits. Je viens de m’arrêter seul une heure au milieu de la petite cour sombre du plais bâti dans la via Larga par ce Côme de Médicis que les sots appellent le Père de la patrie. Moins cette architecture vise à imiter le temple grec, plus elle rappelle les hommes qui ont bâti et leurs besoins, plus elle fait ma conquête. (…)
Mais, malgré la rare beauté de tant de rues pleines de grandiose et de mélancolie, rien ne peut-être comparé au au palazzo Vecchio. Cette forteresse, bâtie en 1298 par les dons volontaires des négociants, éève fièrement ses créneaux de brique et ses murs d’une hauteur immense, non pas dans quelque coin solitaire, mais au milieu de la plus belle place de Florence. Elle a au midi la jolie galerie de Vasari, au nord la statue équestre d’un Médicis, à ses pieds le David de Michel- Ange, le Persée de Benvenuto Cellini, le charmant portique des Lanzi, et en un mot, tous les chefs-d’œuvre des arts de Florence, et toute l’activité de la civilisation. »
Rome, Naples et Florence, II